Sougueur Bladi

Le calvaire de l'habitat précaire perdure

vendredi 17 décembre 2010

Le calvaire de l'habitat précaire perdure

En dépit de l'existence d'un programme conséquent pour l'imbibition de l'habitat précaire, ainsi que celui portant sur la construction et l'attribution de logements sociaux, à travers l'ensemble de la wilaya de Tiaret, force est de remarquer que le calvaire d'une partie de la population perdure encore. En effet, plusieurs familles issues essentiellement de l'exode des années 1990 vivent toujours dans des baraques de fortune dépourvues de conditions de vie les plus élémentaires. Si, aujourd'hui, la nature a été généreuse à l'égard de cette wilaya, compte tenu de son statut de meilleure région céréalière, qui faisait dire d'elle "le grenier de l'Europe", les hommes, par contre, le sont beaucoup moins et n'ont rien offert à cette beauté légendaire comme intérêt et soin qu'elle mérite, pourtant, largement. De la cité Hattab de Frenda à celle des frères Kebbouche (Kosovo) de Sougueur ou au quartier Benounis-Rabah de Rahouia, en passant par les cités Teffah, Zaâroura et Oued- Tolb! a, dans la périphérie de Tiaret, pour ne citer que ces exemples, ce sont ces mêmes sensations qu'éprouvent perpétuellement des citoyens livrés à euxmêmes, face à une misère horripilante, vecteur incontournable de tous les fléaux sociaux. Dans ces cités où les ruelles sont vite transformées en véritable gadoue à la moindre goutte de pluie, car cabossées et mal bitumées, les fils électriques fusant de partout pour la raison que certains foyers dépourvus de cette énergie sont alimentés par les voisins, et les commodités hygiéniques sont lamentables, la vie est à son paroxysme de l'exaspération. Un environnement malsain et ambigu En plusieurs endroits, les canaux des eaux usées sont défectueux et se confondent aux réseaux de l'alimentation en eau potable pour laisser déverser ce liquide, mêlé de détritus, qui stagne en flaques pour dégager des odeurs méphitiques. Ce contresens a engendré, à plusieurs reprises, notamment dans la ville de Tiaret, des maladies diverses qui ont néc! essité des mobilisations intensives, mais aussi tardives dans ! la mesure où les moyens de prévention ont toujours fait défaut. "Les services concernés dorment sur les deux oreilles et ils ne se manifestent qu'une fois l'alerte est donnée pour indexer les services de la santé qui sont pourtant plus disponibles et engagés sur terrain à chaque incident", nous fera remarquer un citoyen déjà victime, lui et ses enfants, de la fièvre typhoïde, dans le passé. À Rahouia, la plus vieille et populeuse cité Benounis, appelée communément "Douar", est au summum de la précarité et de l'ignominie. Là, la vilenie livre tout son environnement abject à la population qui ne cesse de ruminer, de jour en jour et d'année en année, désappointement et courroux dans un silence de fausse quiétude. Un gigantesque dépotoir d'ordures ménagères est exposé à ciel ouvert, au ventre même de ce quartier, et sert de point de rencontre à une nuée de bambins lesquels, au prix de leur innocence, mettent à équivoque leur état de santé, en faisant de cet endroit un loisir da! ns leur quête inassouvie d'un espace de jeux et de défoulement. Pour la majorité des locataires, parler des sanitaires ne relève que de la pure fiction dans la mesure où ils font recours à des bidons de peinture, généralement disposés pas loin des lieux où ils mangent et dorment, et vidés, par la suite, aux alentours des habitations. En certains endroits, le passant est contraint de boucher ses narines, devant ces gorges des eaux usées. Les adolescents, quant à eux, n'avaient pour distraction que cette équipe de football qui naquit un jour, grâce à la bonne volonté de quelques bénévoles, avant de sombrer dans l'anonymat et disparaître à jamais. "Nous avons frappé à toutes les portes afin de maintenir ce club qui permettait à nos jeunes de respirer, mais, malencontreusement, nous n'avions comme réponse que le mépris et l'esprit de clanisme de la part de ceux qui prétendent être nos tuteurs", nous fera remarquer, indigné, l'un des dirigeants de l'équipe en question. À l'autre! côté de Rahouia se trouve la cité Boukhetache, construite dans le cadr! e du fameux "plan de Constantine", où la vie ne diffère que légèrement de la première. Un embrouillamini urbanistique de dimension surréaliste, contenant en son sein plus d'une cinquantaine de familles, nous renvoie à l'âge de pierre. Des bicoques garnies de ces âtres de misère et construites à base de tôles et de planches sont camouflées par quelques nouvelles constructions en dur et des immeubles érigés dans le cadre de l'opération dite" éradication de l'habitat précaire" et qui avait pris une destination parallèle. À Frenda, l'imbroglio sous toutes ses formes est personnifié à la cité Hattab, perchée, avec ses quinze mille âmes, sur les hauteurs de la ville. De prime abord, il suffit de constater la dégradation des chaussées pour avoir une idée sur ce qu'endurent ses habitants comme malaise. Les ordures qui jonchent les lieux offrent un décor des plus répugnants et ce, en dépit de l'existence d'un service de ramassage qui, selon un membre du comité de quartier, ne s'occu! pe de l'opération que d'une manière partielle. Là, les conditions d'hygiène deviennent, ainsi, lamentables dans ce quartier où les murs des bâtisses sont lézardés et le dépouillement du béton les couvrant met à découvert les treillis. À Sougueur, ou l'antique Trézel, renommée dans le temps pour son marché à bestiaux d'une ampleur continentale et pour ses places publiques magnifiques, peuplée de plus de quatre-vingt mille habitants, devient, aujourd'hui, un grand douar où, au chômage poussant, se croisent de nombreux fléaux juvéniles. À la sortie nord de la ville, en empruntant le chemin vers la commune de Bouchekif, on trouve la cité des frères Kebbouche que certains riverains préfèrent appeler, à juste titre, " cité Kosovo" et où le temps semble s'arrêter. Dans ce rucher, on retrouve parfois plus de dix personnes entassées dans une minuscule habitation. « On s'estime heureux que nos enfants ne soient pas aussi agressifs, compte tenu de leur train-train quotidien », nous re! late un vieux qui faisait allusion à tous ces jeunes, des deux sexes, q! ui, malgré leur âge, se partagent, dans bien des cas, la même pièce. Là, des signes de misère se confirment encore davantage, quand on sait qu'en ce début du troisième millénaire l'on continue à s'approvisionner à très faibles doses en produits de première nécessité, voire le lait, l'huile de table, la semoule? Nous étions témoins oculaires quand cette gamine était venue acheter un cornet de poudre de café, c'est-à-dire une quantité équivalente aux pièces de monnaie qu'elle tenaient. Cependant, après cette virée dans certaines communes, on revient au chef-lieu de la wilaya, où les écrits ne suffiront jamais pour décrire cet enchevêtrement social qui s'affiche sous le masque impavide de la sérénité si glaciale, engendrée par le poids des ans et par le choc brutal subit sur l'appareil psychique de toute la population, notamment durant la décennie noire orchestrée par les "les fous de Dieu". Des constructions illicites transformées en bidonvilles, notamment à Zaâroura, Teffah ! et Oued-Tolba, qui ceinturent cette ville, jadis, aérée par ses jardins publics, dont l'un est, aujourd'hui, englouti par le béton, le jardin "Bouskarin" en l'occurrence. Des places publiques où se rencontraient les intellectuels, artistes et sportifs, sont converties en des endroits où grouillent les trabendistes de tous bords, lieux où se concentrent les vols et les agressions. En somme, Tiaret qui était un carrefour de la culture et de l'art, où il faisait bon d'y vivre, se trouve presque abandonnée et livrée à elle-même, telle une orpheline. Son périmètre foncier, voire agricole, est dilapidé au profit de certains pseudoagriculteurs qui n'attendent que la campagne des moissons pour s'enrichir, durant de courts moments de plaisirs prestigieux sans pour autant créer le moindre créneau d'investissement qui permettrait à d'autres de trouver un gagne-pain. Toutefois, afin de parer à cette fièvre sociale, des comités de quartiers ont été créés et de nombreuses associations ag! réées. Mais leurs doléances demeurent toujours des lettres mortes, comm! e voulait le préciser un membre du comité de quartier de Oued-Tolba. « Nous avons sollicité toutes les instances concernées afin de tourner un peu les projecteurs dans notre trajectoire, mais en vain », affirmera- t-il. Par ailleurs, ?Victimes collatérales du mal-logement?, selon certains observateurs, les enfants présentent plus que les autres des problèmes de santé : problèmes respiratoires dus à un environnement humide, troubles du sommeil, mauvaise alimentation liée à l'absence fréquente de cuisine? À cela peuvent s'ajouter des difficultés scolaires et sociales.



18/12/2010
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